L’enseignement universitaire aux États-Unis est-il cent fois meilleur que le belge ?
Des études d’ingénieur en Belgique coûtent 800 euros par an pour l’étudiant. En Californie, le coût s’élève à 76 000 euros. L’enseignement aux États-Unis est-il pour autant cent fois meilleur ? Non mais il propose une éducation à l’entrepreneuriat et un accès aisé aux capitaux à risque qui manquent chez nous.
- Publié le 27-09-2023 à 15h05
- Mis à jour le 28-09-2023 à 08h28
Une carte blanche d’Arnaud Paquet, étudiant belge en MBA à l’Université de Californie à Berkeley et entrepreneur dans le domaine des technologies climatiques.
Le 16 septembre 2013, je commençais mes études à l’École polytechnique de Louvain. J’étais impatient de suivre ces cinq années d’étude, un bachelier d’ingénieur civil et un master d’ingénieur mécanicien. Tout cela pour la modique somme de 800 € par an. Dix ans plus tard, j’entame ma seconde année de MBA (master of business administration) à l’Université de Californie à Berkeley. Coût annuel de l’éducation : 76 000 €, soit près de cent fois plus qu’en Belgique.
Les États-Unis sont à la pratique ce que la Belgique est à la théorie
L’enseignement aux États-Unis est-il pour autant cent fois meilleur ? Non. Mais il a l’avantage d’offrir des opportunités qui n’existent pas (encore) en Belgique. L’entrepreneuriat et le leadership sont des compétences extrêmement valorisées et prisées par les étudiants, en école de business bien sûr, mais aussi en école d’ingénieur. Berkeley possède, par exemple, un institut dédié au développement du leadership pour les ingénieurs. L’écosystème de l’entrepreneuriat est si riche à Berkeley qu’il est parfois compliqué de choisir vers quoi s’orienter. Les étudiants sont encouragés à travailler sur des projets de création de start-ups, au sein de classes multidisciplinaires regroupant différentes écoles (business, ingénieur, science politique, etc.). Les États-Unis sont à la pratique ce que la Belgique est à la théorie.
Former les ingénieurs à l’entrepreneuriat
Lors de mes années à l’UCLouvain, il n’y avait pas de classes enseignant le leadership à l’École polytechnique. Les rares opportunités de formation à l’entrepreneuriat, telles qu’INEO (anciennement CPME), une formation interdisciplinaire en entrepreneuriat disponible dans plus de trente programmes de master, n’étaient, quant à elles, malheureusement pas assez mises en avant. Il est pourtant indispensable de former les ingénieurs à l’entrepreneuriat. À Berkeley, on nous enseigne qu'“une start-up est une organisation créée pour rechercher un modèle d’entreprise reproductible et évolutif”. Cela exige de pouvoir penser logiquement afin de résoudre un problème complexe avec un minimum d’information. C’est exactement ce à quoi l’ingénieur est préparé.
Disette de capital-risque en Belgique
Si stimuler l’intérêt des jeunes pour l’entrepreneuriat passe par une éducation et une formation appropriées, il est aussi primordial de disposer d’un accès abondant aux capitaux à risque (venture capital). Ce type de capital a un profil plus risqué et un horizon de temps plus long que d’autres formes d’investissement plus traditionnelles, et il est spécialisé dans le financement de jeunes startu-ps à haut potentiel de croissance. En 2021, année record pour le capital-risque, la région de la baie de San Francisco (San Francisco Bay Area), qui inclut la Silicon Valley, représentait 120 milliards de dollars, soit 35 % des investissements en capital-risque aux États-Unis (346 milliards). La Belgique disposait, quant à elle, de 856 millions de dollars, soit 400 fois moins que les États-Unis. Certes, les deux économies ne sont pas comparables, mais le PIB de la Belgique n’est que 40 fois plus petit que celui de l’Oncle Sam. Pas 400 fois. Il y a donc une réelle disette de capital-risque en Belgique.
Des success stories qui inspirent
Les États-Unis cultivent aussi une véritable tradition de célébrer les success stories, ce que la Belgique ne fait, hélas !, pas assez. La Belgique ne manque pas d’entrepreneurs talentueux et doit davantage s’en réjouir, car ces exemples concrets sont essentiels pour inspirer les étudiants à se lancer dans l’entrepreneuriat. Si la baie de San Francisco est si propice aux start-ups, c’est probablement parce qu’elle conjugue ces trois facteurs : éducation, capital et mentorat.
L’expérience d’étudier à l’étranger
Il y a un an, je décidais de quitter Bruxelles pour étudier aux États-Unis et poursuivre ma formation dans cet extraordinaire écosystème qu’est la baie de San Francisco. Étudier à l’étranger constitue une expérience enrichissante et transformative. Elle offre de nouvelles perspectives, favorise la communication et la tolérance interculturelles, et permet de développer une meilleure perception de soi-même. La Belgique se doit d’encourager ses étudiants à partir étudier à l’étranger. Fort heureusement, notre pays dispose de nombreuses opportunités pour aider les étudiants à franchir le pas. J’ai, par exemple, pu bénéficier du soutien de la BAEF (Belgian American Educational Foundation), une organisation philanthropique qui encourage, entre autres, des étudiants belges à poursuivre leurs études supérieures aux États-Unis grâce à un généreux programme de bourses, ainsi que de la Fondation Fernand Lazard, qui accorde des prêts sans intérêts pour des études à l’étranger.
Chance et potentiels de la Belgique
Cette première année aux États-Unis fut exceptionnellement riche en rencontres et en enseignements, tant personnellement que professionnellement. Elle m’a offert des opportunités qu’on ne trouve pour l’instant qu’ici, dans la baie de San Francisco, mais elle m’a aussi permis de mesurer la chance que nous avons, en Belgique, de disposer d’une éducation de qualité et si accessible financièrement. Si la Belgique peut en être fière, elle a aussi le potentiel et le devoir de rayonner davantage.